Interview: Sérendipité, la supérette créative

13 juillet 2016

Imaginez une librairie indépendante entière consacrée aux loisirs créatifs... Mieux encore: imaginez une librairie, au milieu d'un joli village, qui vous offrirait des magazines du monde entier, une sélection de livres inattendus que vous ne cherchiez pas et qui pourtant correspondent à vos besoins et vos envies.

Ce concept c'est celui de Céline Debray qui a ouvert en 2015 sa librairie indépendante en Suisse : Sérendipité. Le mot lui même veut tout dire : "La sérendipité est le fait de réaliser une découverte inattendue grâce au hasard et à l’intelligence, au cours d’une recherche dirigée initialement vers un objet différent de cette découverte" (Lu sur la page à propos de Sérendipité). 






 Plus sur la sérendipité, cet art de découvrir ce à quoi on ne s'attendait pas : sur le site de L'Express.

Cette librairie indépendante fait partie de la sélection des 5 librairies européennes où trouver le meilleur de la presse indépendante, publiée par le site Les Inrocks. Elle avait a attiré notre attention depuis un petit moment aussi, d'autant plus qu'elle nous fait le plaisir de distribuer nos ouvrages...

Sa page facebook regorge de partages inspirants et instructifs, alors à défaut de pouvoir pousser la porte de son magasin (dans l'immédiat), nous lui avons posé quelques questions pour en savoir plus sur elle et sur son travail.


1. Bonjour Céline, pouvez vous nous en dire plus sur votre point de vente et son concept ?

L'idée, en créant Sérendipité en 2013, était de proposer une sélection de magazines créatifs et inspirants venant du monde entier. Cuisine, voyage, design, entrepreneuriat, enfant, famille, architecture, photo, animaux, sports… Beaucoup de thèmes et de pays différents pour un nouveau genre de librairie-kiosque. Je voulais également travailler le plus possible en direct avec les gens qui publient ces revues, et non avec des distributeurs qui sont souvent plus préoccupés par des questions de logistique et de rentabilité.

Ma boutique est d'abord née en ligne et je faisais également de nombreux marchés et ventes éphémères pour me faire connaître partout en Suisse. Puis, petit à petit, j'ai complété ma sélection avec des livres et j'ai ouvert une vraie échoppe en septembre 2015: la Supérette by Sérendipité…

A ce jour, ma sélection de magazines compte plus de 180 titres d'une vingtaine de pays et dans une dizaine de langues.


2. Comment vous est venue l'idée de ce concept ?

Tout a commencé avec mon expérience personnelle. Je suis une amoureuse du print et je rencontrais pas mal de difficultés à me procurer certains titres. Mon conjoint me ramenait des merveilles de la Californie où il allait régulièrement pour le travail, mais ici, en Europe, c'était un cauchemar pour se les procurer. C'est donc la rédactrice en chef d'un de ces magazines tant aimés -Anthology Magazine pour ne pas le citer- qui m'a mis l'idée en tête en me disant "Achète un carton du dernier numéro, revends les exemplaires à tes copines, ça te paiera ta lecture"… Voilà comment tout a commencé !!!

A l'époque, je travaillais dans un tout autre secteur d'activité, j'étais salariée, et n'avais pas imaginé une seule seconde me lancer à mon compte dans ce pays que je continuais de découvrir (je suis Française, installée depuis 10 ans en Suisse). Et pourtant, certains disent que c'était écrit et que j'étais faite pour ça… Le temps leur donnera peut-être raison, allez savoir.



3. Vous êtes intervenue récemment lors de la conférence Swiss Retail Forum pour y parler du petit commerce de demain. Pouvez vous nous en dire plus ?

Oui, j'ai été invitée à présenter le modèle commercial et le concept que j'ai imaginés pour la Supérette by Sérendipité. Ma supérette, c'est une sorte de laboratoire, mes amis l'appellent "le petit concept store de campagne". En marge de ma librairie, j'y ai installé une épicerie de produits locaux finement sélectionnés (je sous-traite cette partie à une personne de confiance, qui possède une épicerie itinérante, car je ne veux pas trop me disperser) ainsi qu'une place de marché créative, qui accueille six créateurs suisses ou étrangers et qui se renouvelle chaque saison. 

Ces créateurs me paient pour une prestation de services un montant fixe par mois mais je ne prends pas de commission sur les ventes. La prestation comprend la mise à disposition de l'espace de vente, la force de vente (moi ou ma vendeuse), les frais d'encaissement, la communication digitale via mes réseaux, l'organisation d'un vernissage pour lancer la nouvelle saison et de temps en temps, des workshops donnés par les créateurs eux-mêmes dans la vitrine de la Supérette…

J'essaie d'amener des choses nouvelles ou surprenantes, de l'artisanat bien sûr, c'est une sorte de prolongation de ce que l'on trouve dans les livres et les magazines que je propose. Cela donne vie à toute cette créativité et, de mon point de vue, permet de proposer une offre cohérente et complète. Bien sûr, les clients ont vite compris qu'il faut repasser chaque nouvelle saison puisque la boutique est en mouvement perpétuel :).


4. Quels conseils donneriez vous aux entrepreneuses qui souhaitent elles aussi ouvrir un point de vente divergent ?

Le mot "divergent" me fait sourire, mais il est assez juste finalement… Un des premiers conseils serait peut-être de garder un total de charges fixes le plus faible possible car c'est souvent ce qui ronge la trésorerie petit à petit. Attention, donc, au montant du loyer. Pour ma part, c'est notamment pour cela que j'ai choisi de m'installer dans un village et non pas en ville, sachant que je vends aussi en ligne et que la région est très touristique, Cela me convenait mieux, ainsi que d'un point de vue personnel (car j'habite à proximité). Il faut également faire une croix sur un revenu fixe et toujours garder en tête que cela prendra plus de temps que prévu pour gagner ses premiers deniers… Je n'arrive toujours pas à vivre de mon activité depuis que j'ai commencé, car je réinvestis encore une majorité du bénéfice pour faire "grossir" Sérendipité.

La différence avec mon fonctionnement précédent (exclusivement en ligne), c'est qu'avoir une boutique physique est un engagement de présence non négligeable. L'équilibre de vie est également difficile à maintenir, et pourtant je suis convaincue que c'est l'une des clés de la durabilité. N'ayant pas le budget suffisant pour avoir un-e vendeur/se à mes côtés ou un-e comptable, je dois assurer moi-même les horaires d'ouverture 5 jours sur 7 et tout le travail administratif. C'est parfois difficile à concilier avec des RDV extérieurs et les autres contraintes personnelles. Il faut donc bien étudier ses horaires d'ouverture avant de se lancer puis affiner en fonction de la clientèle. J'entends très souvent "À chaque fois que je passe, c'est fermé." Alors je creuse et je questionne, les gens me répondent "Ah mais je suis passé dimanche, ou après le travail". Je leur explique que -par exemple- je ne ferme pas le midi pour permettre à des clients de passer sur la pause lunch… Ils comprennent, mais il faut expliquer et être très constant. Pour l'anecdote, j'ai attendu 6 mois avant de me payer un vrai beau sticker avec mes horaires à afficher sur la porte du magasin, car je n'étais jamais sûre d'avoir trouvé les bons horaires…

Dernier conseil, probablement le plus précieux: apprendre à dire NON (pour mieux faire tout ce à quoi on a dit OUI).

Shooting la superette by sérendipité by Samuel Zeller 

3 commentaires

  1. Bonne route ! Cette aventure mérite de durer. ☺

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  2. Merci beaucoup pour ce post, moi qui suis dans l'élaboration de mon projet de boutique concept store sur Bergerac, j'ai pris des notes!! car de nombreux conseils particulièrement intéressants vont me servir et m'inspirer...

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